Depuis quelque temps dj, les socits canadiennes rpondent des appels de divers intervenants qui leur demandent d'amliorer leur performance et leur transparence sur des questions relatives la durabilit environnementale, la justice sociale, et une gestion rigoureuse et thique des entreprises. Mme si cette tendance vers une meilleure performance et une responsabilisation plus grande et dj bien affirme, elle n'est en aucun cas devenue la norme. Tandis que certaines entreprises ont commenc faire appel des intervenants, mettre en uvre des normes internationales reconnues et amliorer la divulgation de renseignements sur leur socit auprs du public, la plupart des grandes socits canadiennes cotes en bourse n'ont pas encore intgr les politiques, programmes, normes ou indicateurs de durabilit ni les rapports vrifis dans leurs mthodes normales d'exploitation, quoique ce soit exactement ce que font un nombre croissant de socits cites dans le FT500.
Le fait de ne pas reconnatre, mesurer ou grer ces enjeux reprsente pour chaque socit, ainsi que pour l'ensemble des secteurs industriels, des risques importants, y compris des questions de comptitivit plus court terme et de viabilit plus long terme. En fait, les lacunes qui demeurent sont de taille. Nous devons donc nous poser la question suivante : qu'est-ce qu'il manque?
Mme s'il ne faut pas exagrer les progrs dans les investissements responsables de la part du milieu des affaires par rapport ce que font les investisseurs, il est clair que, chez ces derniers, ce qui manque, ce sont des investisseurs institutionnels capables de traiter la durabilit de la mme faon que le font les entreprises. Mme si certaines entreprises ont commenc constater les avantages de la durabilit, les investisseurs institutionnels peuvent encore faire des profits court terme selon la vieille mode . Dans la mesure o les investisseurs ne rcompensent pas les entreprises qui intgrent les enjeux de l'environnement, des aspects sociaux et de la gouvernance (ESG) dans leurs dcisions d'affaires, ils dcouragent vritablement les entreprises d'aller plus loin. Ce cycle prend de l'expansion lorsqu'on empche mme certains investisseurs institutionnels de tenir compte des facteurs d'ESG dans leur processus d'valuation. En fin de compte, qui paiera la note? Peut-tre la durabilit de l'conomie future du Canada.
Pendant ce temps, les forces sociales et conomiques s'intensifient, avec l'intgration d'investissements socialement responsables et le militantisme des consommateurs qui en sont de bons exemples. Elles n'ont toutefois pas encore secou l'inertie existante et surmont les forces contraires.
Malgr la clarification juridique qu'a apporte rcemment une tude mene en 2005 par le gros cabinet d'avocats rput de la City londonienne, Freshfields Bruckhaus Deringer1, nombre d'avocats continuent de dire leurs clients fiduciaires au Canada que la prise en compte des facteurs d'ESG s'oppose radicalement leur obligation fiduciaire. De toute vidence, les fiduciaires des rgimes de pension doivent prendre conscience- peut-tre par la voie des organismes de rglementation qui publieraient des directives ou, si ncessaire, par l'adoption de rglements ou de changements juridiques par le gouvernement - que la prise en compte des facteurs d'ESG dans les dcisions d'attribution de capitaux au Canada ne s'oppose pas aux obligations fiduciaires tablies et qu'en fait, ne pas en tenir compte pourrait vritablement constituer un ventuel manquement cette obligation. Au del de cette dimension, nous avons besoin d'un vaste consensus politique et social pour accrotre la transparence des investissements dans les rgimes de pension, ainsi que d'un cadre volontaire ou rglementaire qui assure l'intgration des facteurs d'ESG dans les dcisions d'attribution de capitaux relatives aux rgimes de pension et aux votes par procuration.
Les travaux rcents mens par l'Institut canadien des comptables agrs (ICCA) contribuent jeter un certain clairage sur la divulgation des facteurs d'ESG des entreprises au Canada. Le document de travail publi en octobre 2005 par l'ICCA, Information fournir dans le rapport de gestion sur l'incidence financire des changements climatiques et d'autres questions environnementales, a signal que la divulgation de certains lments environnementaux (et sociaux) est dj exige selon les rgles des organismes de rglementation des valeurs mobilires 2 et qu'elle est donc, en fait, obligatoire si ces renseignements sont susceptibles d'tre importants pour les investisseurs 3. La directive concernant le rapport de gestion de l'ICCA vient d'ailleurs renforcer ce principe4. Les exigences de divulgation obligatoire poses par les organismes de rglementation des valeurs mobilires pertinents sont galement analyses dans le document que l'ICCA a produit en novembre 2004 pour la TRNEE5, dans lequel il prsentait un ventail d'options de politiques soumis l'tude du Groupe de travail de la TRNEE aux fins d'amliorer la divulgation du rapport de gestion concernant les questions d'ESG pertinentes pour les investisseurs.
Faute d'laborer d'autres directives rigoureuses, la dfinition et l'importance relative des questions d'ESG risquent fort d'chapper aux investisseurs de capitaux. Les investisseurs, surtout ceux des rgimes de pension, doivent comprendre les risques actuels et futurs lis aux questions d'ESG. De mme, ces investisseurs devraient s'entendre sur un cadre commun de divulgation des facteurs d'ESG; en bref, ils doivent tre capables d'valuer dans quelle mesure les questions pertinentes sont identifies et traites. Il importe galement que la divulgation de cette information pertinente (au moins telle que dfinie actuellement) soit exige par les organismes de rglementation des valeurs mobilires.
Enfin, pour apaiser l'obsession des investisseurs face la perspective court terme, qui risque maintenant d'aller l'encontre de la prise en considration et de la rcompense d'une bonne performance ESG, il faut lancer des signaux sur les marchs financiers d'aujourd'hui pour permettre, voire favoriser la prise en compte de la durabilit long terme. Il y a lieu de modifier les pratiques comptables, actuarielles et rglementaires- y compris la production de rapports- pour attnuer l'obsession de la performance et de l'valuation des profits court terme. Il faudrait instituer de meilleurs incitatifs pour la gestion de la trsorerie long terme des entreprises et des investisseurs.
Pour relever ces dfis, il faudra non seulement adopter des normes et pratiques internationales qui ont fait leurs preuves, mais aussi aller plus loin. La cration d'un avantage comptitif signifiera l'adoption d'un rle de leadership au niveau des investisseurs, des socits et de la vie politique. En d'autres termes, il faudra fournir aux investisseurs d'aujourd'hui et de demain ainsi qu'aux gens d'affaires l'information et les comptences professionnelles dont ils ont besoin pour intgrer les facteurs d'ESG dans leurs dcisions, aujourd'hui et demain. Sans aucun doute, il faudra faire preuve d'innovation si nous voulons maintenir notre prosprit conomique dans une conomie mondiale en pleine volution et marque par le dclin des ressources naturelles et la croissance dmographique.
Le Canada est un chef de file internationalement reconnu sur les marchs capitaux pour le financement et le dveloppement des ressources naturelles mondiales. Les socits et marchs financiers canadiens peuvent soit continuer jouer ce rle de chef de file, soit laisser les marchs internationaux dicter les conditions auxquelles nous devrons en fin de compte nous plier. En fait, les enjeux actuels de l'environnement, des aspects sociaux et de la gouvernance divisent autant les chefs que leurs partisans.
Le Groupe de travail a formul des recommandations qui, selon lui, favoriseront l'intgration des facteurs d'ESG dans les dcisions d'attribution de capitaux et contribueront crer une vision nouvelle et renforce de l'investissement dans l'avenir durable du Canada. Les recommandations du Groupe de travail sont nonces, ci-dessous, ainsi qu' la fin de chacun des chapitres concerns.
Que les autorits fdrales, provinciales et territoriales adoptent, dans leurs secteurs de comptence respectifs, les rglements qui exigent que les rgimes de pension :
a) divulguent priodiquement, au moins une fois par an, dans quelle mesure les considrations relatives l'environnement, aux aspects sociaux et la gouvernance sont prises en compte dans la slection, la rtention et la ralisation des investissements;
b) divulguent dans quelle mesure les considrations d'environnement, d'aspects sociaux et de gouvernance sont prises en compte dans les votes par procuration et les activits d'engagement de la gouvernance de l'entreprise, et qu'ils exigent que les rgimes de pension divulguent leurs activits de vote par procuration.
Que tous les fiduciaires, y compris les investisseurs institutionnels, les gestionnaires financiers et les fiduciaires de fonds adoptent des pratiques volontaires de divulguer :
a) les considrations relatives l'ESG; b) la politique d'investissement ; qu'ils soient galement encourags approuver les Principes pour l'investissement responsable prns par les Nations Unies.
Que les autorits fdrales, provinciales et territoriales ou les organismes de rglementation adoptent des directives ou, le cas chant, des rglements pour clarifier le fait que l'obligation du fiduciaire comporte la prise en compte des questions d'ESG qui ont une importance financire dans les dcisions d'investissement.
Que le gouvernement fdral donne l'exemple et intgre rapidement les facteurs d'ESG dans : a)le financement fdral des subventions et projets relatifs aux marchs financiers; b)les rgimes de pension fdraux.
Que les questions d'ESG soient intgres dans les exigences de formation des institutions et programmes universitaires et professionnels : a)qui dcernent des diplmes de MBA et
l'accrditation d'analyste financier agr; b) qui offrent la certification et des cours de formation des administrateurs; c) qui offrent la certification et des cours de formation des fiduciaires.
Que l'Institut canadien des comptables agrs (ICCA) et les Autorits canadiennes en valeurs mobilires, de concert avec les gouvernements fdral et provinciaux, mettent sur pied un programme de formation et de vulgarisation pour les metteurs de capitaux aux fins de faire mieux comprendre les questions importantes d'ESG qui devraient faire partie de la section des rapports annuels consacre au rapport de gestion.
Que les investisseurs institutionnels, les gestionnaires financiers et les fiduciaires amnent les metteurs de capitaux (entreprises) tenir compte de l'importance relative ventuelle des questions d'ESG, adoptent une politique concernant les faons de tenir compte des facteurs d'ESG dans le processus dcisionnel, et favorisent le perfectionnement et l'utilisation de la production de rapports d'ESG normaliss.
Que les Autorits canadiennes en valeurs mobilires encouragent la divulgation des questions d'ESG qui revtent une importance financire en publiant une directive ou un nonc d'interprtation et qu'elles incitent les entreprises canadiennes se baser sur les cadres de rapports tablis, tels que la Global Reporting Initiative (GRI).
Que les organismes de rglementation des valeurs mobilires appuient l'imposition des exigences existantes de divulgation du rapport de gestion qui ont trait aux considrations d'ESG et, si ncessaire, mettent en vigueur l'exigence de divulgation d'ESG.
Que les lois et rglements fdraux et provinciaux, ainsi que les normes fixes par les organes professionnels tels que l'Institut canadien des comptables agrs (ICCA) et l'Institut canadien des actuaires (ICA) concernant la comptabilit, l'valuation actuarielle et la gestion des fonds de pension soient valus quant leur effet sur la durabilit, et modifis si ncessaire pour rpondre aux besoins de l'attribution de capitaux durables.
Que les investisseurs institutionnels valuent l'effet sur la durabilit de leurs politiques et pratiques d'investissement, en accordant une attention particulire la qualit de la recherche sur les investissements et l'harmonisation des pratiques de rmunration des gestionnaires de fonds avec la performance long terme.